Votre gestionnaire est-il un « chimpanzés » ?
La Presse publiait récemment un article titré « Les chimpanzés meilleurs que les hommes pour investir en Bourse ». Bien qu’un tel titre laisse croire que des singes font mieux que les hommes en bourse, il ne s’agit pas vraiment d’un face à face homme-singe. En fait, les chercheurs de la Cass Business School de Londres ont comparé deux approches de pondération d’un portefeuille : celle basée sur la capitalisation boursière et l’autre qui consiste à investir un montant égal (équipondération) dans chaque titre sélectionné. Les indices traditionnels, comme le S&PTSX et le S&P500 utilisent la pondération par la capitalisation boursière.
Sans grande surprise pour ceux qui ont une bonne connaissance de la construction des indices boursiers, l’équipondération a obtenu une meilleure performance que la capitalisation boursière dans l’étude.
Deux raisons principales expliquent ce phénomène : l’effet de taille et la sur-réaction des marchés.
Pondérer les titres en fonction de la capitalisation boursière revient à dire que l’on investit plus dans les grandes entreprises et moins dans les plus petites. Le rendement du portefeuille est alors déterminé principalement par les entreprises de grandes tailles et est moins impacté par les petites firmes car le portefeuille n’y investit à peu près rien. À l’inverse, l’équipondération donne autant de poids aux petites firmes qu’aux grandes. Comme les petites firmes sont plus risquées, moins liquides et ont une base plus petite pour croître, il n’est pas étonnant qu’elles procurent un meilleur rendement à long terme.
Le deuxième phénomène est qu’en pondérant selon la capitalisation boursière, un investisseur investi plus dans une entreprise qui a eu dans le passé un rendement exceptionnel et moins dans une entreprise qui a plutôt mal été. Or, si le marché sur évalue un titre, ce titre sera automatiquement plus important dans le portefeuille. Cela est plutôt contre intuitif. A l’inverse, un titre qui devient une aubaine sera pondéré plus faiblement dans le portefeuille. L’équipondération oblige à vendre graduellement un titre qui monte et acheter un titre qui diminue. Cette discipline d’achat et de vente permet généralement d’éviter les bulles et de profiter des aubaines.
L’étude ne démontre que cela : un portefeuille aléatoire de titres équipondérés fait généralement mieux que l’indice pondéré par la capitalisation boursière. A titre d’exemple, Standard and Poor’s mettait récemment à jour les résultats du S&P500 pondéré par les capitalisations boursières et les mêmes 500 titres équipondérés. Pour la période de 20 ans se terminant le 31 décembre 2012, l’approche de la pondération égale a procuré un rendement de 2% supérieur à l’approche de la pondération boursière (10,2% vs 8,2%) pour un risque légèrement supérieur (16,8% vs 15,1%).
Si votre gestionnaire a une approche plutôt d’équipondération et qu’il fait mieux que l’indice traditionnel, vous devriez vous demander si c’est la différence dans l’approche de pondération ou bien celle dans la sélection des titres qui explique le meilleur rendement. Il est également possible que les deux (la pondération différente et la sélection) contribuent aux meilleurs rendements.
La grande leçon de l’étude mentionnée dans l’article est que même un chimpanzé peut construire un portefeuille équipondéré. Si votre gestionnaire est performant, il pourrait n’être qu’un chimpanzé chanceux… Les chimpanzés chanceux deviennent riches. Ils sont respectés. Ils sont cités partout. On leur confie sans crainte notre portefeuille. Le problème : il est très difficile de départager un chimpanzé chanceux d’un gestionnaire talentueux. Si votre gestionnaire est un chimpanzé, priez pour qu’il demeure chanceux…